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Présentation du CRATHMA

(Centre de Recherches sur l’Antiquité Tardive et le Haut Moyen-Âge)

 

     Si les historiens de l’art ont créé le concept d’Antiquité tardive vers 1890, il fallut attendre les années 1940-50 pour que les historiens abandonnent la notion de décadence de Rome, avec les travaux de Santo Mazzarino, André Piganiol et Henri-Irénée Marrou. Ainsi, Marrou créa officiellement en 1966 à la Sorbonne un centre de recherche autour du projet de la Prosopographie chrétienne du Bas-Empire, qui devint en 1971-72 le « Centre de recherche sur l’Antiquité tardive Le Nain de Tillemont ».

     Parallèlement, et dans une perspective moins liée à l’histoire du christianisme, en 1969, l’historien de l’Antiquité André Chastagnol, le latiniste André Loyen et le médiéviste Pierre Riché, tous trois professeurs à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Paris-Nanterre (qui devint l’université de Paris X-Nanterre le 1er janvier 1971) décidèrent de fonder le CRATHMA, qui devint une réalité en 1970. Leur particularité commune était de travailler sur des marges chronologiques de leur période respective, le Bas-Empire pour Chastagnol et Loyen, et le haut Moyen Âge pour Riché. Les trois universitaires nanterrois avaient eux-mêmes œuvré au renouveau des études sur ces siècles, longtemps jugés obscurs et décadents, mais qui étaient alors pleinement en voie de réhabilitation : André Chastagnol par ses travaux sur les institutions, et en particulier sur le Sénat romain au IVe siècle, André Loyen par son édition et traduction des œuvres de Sidoine Apollinaire dans la collection Budé des Belles-Lettres, et Pierre Riché par sa thèse sur l’éducation au haut Moyen Âge. Le CRATHMA s'est rapidement élargi aux historiens d'art et archéologues et ensuite, durant 30 ans, les recrutements vinrent renouveler ou renforcer l’équipe initiale, avec Charles Pietri, Évelyne Patlagean, Claude Lepelley, Yves Modéran, Jean-Pierre Callu, Yves-Marie Duval, Francis Vian, Jean Bouffartigue, Carol Heitz, François Heber-Suffrin, Jean-Pierre Caillet, Jean-Charles Picard, Michel Sot.

      La finalité des fondateurs n’était pas seulement de faire connaître l’époque et les thèmes sur lesquels ils travaillaient. Il s’agissait surtout de promouvoir une interdisciplinarité qui rapprocherait historiens, philologues, historiens de l’art et archéologues. Ces disciplines, qui ouvraient autant de perspectives différentes mais également fécondes sur le passé, étaient généralement séparées par les habitudes universitaires parfois plus sensibles en France qu’ailleurs où existaient des cursus plus intégrés, Altertumswissenschaft, Classics, Studi classici, qui croisaient plus couramment les disciplines. Il n’était pas possible de modifier les cursus des études, mais on pouvait créer des passerelles afin de mettre en commun les ressources, en matière de documentation, de méthodes et de perspectives, des disciplines diverses mais complémentaires qui étudiaient la longue période s’étendant de la crise de l’empire romain au IIIe siècle jusqu’à l’époque carolingienne. Ce partage des approches devait se révéler un aspect essentiel du travail ultérieur dans trois domaines. Il a d’abord permis d’éviter les effets de sources liés à l’existence ou à l’absence d’un type déterminé de documentation. Il a ensuite facilité l’élaboration de conceptions complémentaires des problématiques grâce aux apports et à la comparaison des divers types de sources. Il a enfin favorisé l’émergence d’une réflexion sur la longue durée, qui révélaient aussi bien la permanence et la richesse de l’héritage antique durant le haut Moyen Âge que les mutations perceptibles dans le monde antique tardif qui allaient structurer durablement le monde médiéval. En février 1970, la fondation officielle du CRATHMA comme centre de recherche donnait donc un cadre à cette entreprise scientifique qu’illustrerait autrement la publication par Peter Brown de The World of Late Antiquity en 1971.

 

Sous sa forme originelle, le CRATHMA a existé comme équipe d’accueil de l’université de Nanterre jusqu’en 1999. Durant 30 ans, il organisa plusieurs grands colloques :

 

Mais il organisa également une série de séminaires ou de tables rondes qui furent publiés à Nanterre dans 9 Cahiers du CRATHMA :

 

      La diffusion de ces cahiers fut inégale. Or, ils contiennent des travaux de grande valeur, souvent rédigés par les meilleurs spécialistes. Il convenait donc de les rendre largement accessibles, ce qui est fait ici. On constatera que, principalement sous l’impulsion de Pierre Riché qui dirigea le CRATHMA de 1972 à 1989, les limites chronologiques ont parfois été déplacées bien au-delà de l’époque de Charlemagne.

 

     En 1999, le CRATHMA fusionna avec une autre équipe de recherche, le Centre de recherches Littératures et Cultures Anciennes, pour devenir brièvement (2001-2004) l’UMR TIMA (Textes, Images et Monuments de l’Antiquité au Moyen-Âge), laquelle est ensuite devenue en 2005 une équipe composante d’ArScAn sous le nom de THEMAM (Textes, Histoire Et Monuments de l’Antiquité au Moyen-Âge). Cette recomposition a accru le nombre d’enseignants-chercheurs et a élargi l’arc chronologique vers l’amont (Antiquité classique) et vers l’aval (Moyen Âge).

     De même, le travail en équipe fut différent : les Cahiers ont disparu, alors que les colloques devenaient plus nombreux. Mais THEMAM est resté fidèle au CRATHMA sur deux points essentiels : le travail interdisciplinaire entre historiens, philologues, archéologues et historiens de l’art, qui s’est manifesté en particulier par l’organisation de colloques communs (une dizaine en 20 ans) et une insistance continue sur l’analyse des transformations entre Antiquité et Moyen-Âge.

 

          Hervé Inglebert