La Géographie de l'Au-delà dans la littérature médiévale anglaise
Abstract
Reprise de l'introduction de l'article:
Les cartes médiévales les plus détaillées du monde – comme la célèbre Hereford map du tout début du XIVe siècle, celle préservée à la Huntington Library (Californie) illustrant le Polychronicon de Ranulf Higden (fin XIVe siècle) ou la petite Psalter World Map d’un psautier du XIIe siècle conservé à la British Library – comportent toutes une représentation du Paradis terrestre, font figurer des contrées merveilleuses peuplées de monstres et autres créatures fabuleuses. Le psautier nous présente ainsi, tout au sud, un homme à quatre yeux, un autre à six doigts, des êtres à forme humaine mais sans oreille, sans nez ou même sans tête, voire à tête de chien. Tous peuplent la terre ; par conséquent, même s’ils vivent très loin, là ou personne n’est allé, il est toujours possible et envisageable de les rencontrer. Le jardin d’Eden, les Iles Fortunées ou le Mont Ardent plein de serpents sont donc inscrits au sein du cercle de ces cartes en T et O que l’océan délimite. La question qui vient alors à l’esprit est : y a-t-il quoi que ce soit au-delà de l’Océan ? Certaines cartes n’apportent aucune réponse mais d’autres nous donnent un aperçu des lieux éternels qui nous attendent après la mort en représentant le royaume céleste du Paradis et le gouffre de l’Enfer. Au sommet du pentagone que forme la carte de Hereford, à l’est, juste au-dessus du paradis terrestre, se trouve une scène du Jugement Dernier. On y voit le Christ en majesté entouré de nombreux anges (qui parlent français). A gauche de la scène, un ange conduit dix âmes – dont quatre sortent tout juste de leur cercueil – en les bénissant : « Levez ! Si vendrez a joie pardurable » (Debout et vous connaîtrez une joie éternelle ! ». Au pied du Christ, on distingue Marie qui les yeux levés vers son fils lui demande de faire preuve de miséricorde envers les hommes. A l’opposée du groupe des élus – à gauche du Christ comme il se doit – une douzaine d’âmes, nues et attachées les unes aux autres, sont remises par un ange à l’épée enflammée à un démon ailé et à son compagnon malin qui les entraînent vers un diable suspendu dans la porte qui mène à la gueule de l’Enfer représenté sous la forme d’une tête d’animal aux crocs acérés. Le message est des plus clairs « Levez ! Si alez au fu de enfer estable » [Debout, vous êtes conduits au feu que l’on trouve en Enfer]. Les royaumes de l’outre-tombe sont donc présents et réels mais dans un ailleurs imprécis que les enlumineurs, sculpteurs et auteurs ont, par conséquent, bien du mal à décrire et à situer. La littérature médiévale anglaise n’a fait que globalement reprendre la symbolique établie. Elle présente, cependant, parfois des variantes et des spécificités qui reflètent les traditions différentes des peuples installés dans l’île de [Grande-]Bretagne au fil des temps mais aussi l’évolution, commune à toute la Chrétienté, des croyances et du dogme à ce sujet.. Ce qui frappe de nos jours c’est le très grand nombre de textes consacrés à l’Au-delà montrant, par là même, la familiarité des hommes du Moyen Age avec ces lieux et demeures inaccessibles.
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