Objectif: Le suicide est une cause majeure de décès en prison et les taux de suicide en population carcérale sont plusieurs fois supérieurs à ceux observés en population générale dans la plupart des pays. Parmi les études qui ont recherché les facteurs de risque de suicide en prison, peu ont pris en compte des facteurs de confusion. L'objectif de cette étude est d'identifier les facteurs de risque de suicide des personnes détenues dans les prisons françaises, sur une période de quatre ans. Méthodes: Toutes les incarcérations survenues en France pendant la période 2017-2020 étaient éligibles. Des caractéristiques sociodémographiques, pénales et carcérales ont été recueillies pour chaque incarcération à partir des données de la Direction de l'administration pénitentiaire. Des analyses de survie univariable et multivariable ont été menées à l'aide d'un modèle de Cox. Résultats: 358 522 incarcérations ont été incluses, dont 449 se sont terminées par un suicide au cours du suivi. La durée médiane d'incarcération était de 5,1 mois. L'âge médian à l'entrée en prison était de 30 ans et 95,8% des incarcérations concernaient des hommes. Le taux de suicide global était de 173 [157-189] pour 100 000 personnes-années. Les facteurs associés au suicide dans le modèle multivariable (p<0,05) étaient le début de l'incarcération et en particulier la première semaine (HR = 7,6 [5,4-10,8]), les infractions violentes et en particulier l'homicide (HR = 3,0 [2,1-4,2]), les nationalités françaises (HR = 1,7 [1,2-2,4]) et d'autres pays d'Europe (HR = 2,1 [1,4-3,3]), un âge supérieur à 40 ans (HR = 2,0 [1,5-2,6]), la détention provisoire (HR = 1,8 [1,4-2,3]), le fait être séparé (HR = 1,6 [1.1-2,3]) et avoir obtenu le baccalauréat (HR = 1,4 [1,0-1,8]). Conclusion: Les facteurs associés au suicide en prison sont complexes et comprennent aussi bien des facteurs liés aux parcours pénaux des individus qu'aux conditions d'incarcération. Ces caractéristiques pourraient être pertinentes pour cibler les efforts de prévention du suicide.